Voilà... c'est fini...
Dans son savoureux commentaire que je vous invite à lire car en ces temps moroses, cela peut ramener un sourire, (commentaire du 15 novembre, associé à mon premier article sur la salade), Pierre, un sincère et farouche partisan de Ségolène Royal nous l'annonçait, menaçant: "Jeudi soir, pour vous, ce sera FINI". Comme il avait raison… et il ne se savait pas à quel point.
Fini, oui, de plaisanter et de manier le second degré. Je n'ai plus envie de rire ce soir.
Fini, surtout, le socialisme véritable, celui auquel je crois et auquel j'ai adhéré il y a 11 ans, celui que ses détracteurs qualifient d'archaïque, de dépassé, de "chimère", de momie entourée de bandelettes.
Disparu, l'espoir que j'avais d'un jour ne plus être minoritaire au sein d'un parti qui porte, dans son nom, des convictions qu'il renie.
Envolé, mon attachement à la maison-mère que je croyais le temple sacré de mes idées et qui depuis quelques temps prend de méprisables libertés à l'égard de ses principes fondateurs, au nom d'une soi-disant modernité, ou, plus vraisemblablement, d'un terrible besoin de victoire.
Je n'en veux pas à ceux qui ont été entraînés par la mascarade. Ils ont sans doute pensé qu'il fallait gagner à tout prix. Je ne partage pas ce sentiment. Je suis à un âge où il est encore difficile de renoncer à ce que l'on croit (aussi bien sur le fond que sur la façon de faire de la politique) pour gagner.
A quoi nous servira-t-il, camarades, d'être présents à l'Elysée, si c'est pour y mener une politique plus que tiède, tournée vers les questions de société plus que vers ce qui est de notre responsabilité, à savoir la lutte contre un capitalisme de plus en plus sauvage, pour y impulser des mesures finalement peu éloignées de celles que proposent certains de nos adversaires de droite?
On me parlait du devoir de victoire: tout pour éviter Sarko! Mais l'évincer en 2007 et ne rien changer dans la vie des gens _ je parle ici de ce qui les préoccupe vraiment, le pouvoir d'achat, l'emploi, le logement,… _ ne servira, à mon sens, qu'à lui préparer une plus belle victoire 5 ans après. Le devoir de victoire, je ne l'entendais pas ainsi. Pour moi, c'était plutôt une obligation de résultats, de mesures réellement de gauche, qui prouvent enfin aux Français que le projet socialiste est ambitieux et efficace!
Mes camarades ont préféré une autre stratégie: la nouveauté, la féminité, le parler-simple (et parfois bien mal, j'en suis navrée), la "participativité"! En quoi ces concepts sont-ils socialistes? En 2002, Jospin l'a admis sur les ondes: son projet n'était pas socialiste. Il était vaguement social. On sait le résultat obtenu.
J'aime constater que mon parti sait tirer les enseignements de ses échecs!
S'il est inconcevable de séduire nos électeurs sur un projet socialiste, si ces idées sont des chimères poussiéreuses, pourquoi ce parti garde-t-il ce nom? Hier soir, dans son discours à l'annonce des résultats, Madame Royal a sciemment multiplié les occurrences du mot "socialiste", toujours associé à celui de "militants" d'ailleurs. Cela ne suffit pas. A aucun moment, elle n'a profité de la présence des caméras et des micros pour dire ce contre quoi elle allait se battre, ce pour quoi elle voulait être élue, ce qui la différenciait de ses futurs adversaires, et enfin pourquoi elle était la candidate socialiste.
Un responsable politique n'est pas là pour être à l'écoute des propositions de son peuple. A l'écoute des problèmes, oui, mais pas des façons de les résoudre. Ce n'est pas cela la démocratie! Un homme ou une femme politique doit concevoir des projets, des mesures correspondant à des convictions, à un idéal et les proposer aux électeurs qui les confrontent, les comparent à ceux des autres responsables avant de faire leur choix souverain. Voilà la démocratie. Ne pas avoir "d'idée préconçue", ne pas s'embarrasser de principes, ne pas ancrer chacune de ses avancées dans un projet global, cohérent, ambitieux et constant, ce n'est pas faire de la politique, c'est confondre démocratie et démagogie.
C'est fini, oui. Je ne crois plus que cette maison, de la rue Solférino, soit le parti des socialistes sincères. Le score de Laurent Fabius a résonné comme un glas. Certes, il n'était sans doute pas le meilleur champion pour défendre ma cause, et moi la première j'ai eu du mal à lui accorder ma confiance. Peut-être en a-t-il refroidis beaucoup. Pourtant, son discours était socialiste; pas social-démocrate, pas démagogue et électoraliste, socialiste. Et force est de constater aujourd'hui que ce discours n'a pas rassemblé. Le PS compte aujourd'hui 18% de socialistes!
Y en a-t-il d'autres ailleurs? Tristement, je l'espère et souhaite me joindre à eux.
On me répondra que c'est lâche, que j'abandonne sans me battre le parti de Jaurès. Je répondrai qu'il vaut mieux rester fidèle aux idées de ce grand homme qu'à une structure qui n'est d'ailleurs plus celle qu'il avait créée. Or, se battre pour ses idées, à l'intérieur du PS, cela me semble vain désormais.
Fanny,
socialiste.